L’HOMME ET LE COSMOS
La vie sur terre est comme la pruine sur une prune. Ces dernières années, une partie de cette délicate pellicule de moisissure s’est groupée et, grâce à un intense effort commun, est parvenue à lancer quelques spores minuscules à une altitude assez éloignée de la surface terrestre pour qu’elles ne retombent pas. Pour y arriver, il a fallu les propulser à la vitesse d’évasion de plus de 28 000 kilomètres à l’heure, ce qui est un exploit de première grandeur, alors que, tout ce temps, la prune elle-même se déplaçait à une vitesse quatre fois supérieure.
Nous avons tendance à oublier que nous sommes tous des voyageurs spatiaux. Une poignée d’hommes, de chiens, de chimpanzés et de graines en train de germer ont été livrés à une activité extravéhiculaire, mais le reste de la biosphère a dû rester à bord, où ils restent soumis aux systèmes de sauvetage du vaisseau. Nous commençons tout juste à apprendre à quel point les rythmes terrestres ont de l’importance pour notre bien-être. Aujourd’hui, les avions à réaction transportent à toute vitesse un grand nombre de gens d’une zone horaire à l’autre, et comme pour les cafards aux ganglions supplémentaires, des rythmes étrangers viennent se superposer à leurs rythmes propres. Cela provoque des désordres considérables ; en effet, en commun avec tous les autres êtres vivants, nous sommes influencés par les cycles naturels que produit la rotation de la Terre.
Ainsi, la température corporelle de l’homme est rarement de 37° C juste, mais obéit à un schéma circadien de modifications. Elle monte avec le Soleil et continue à monter, en même temps que le rythme des pulsations cardiaques et de la production d’urine, jusqu’à ce que tous trois atteignent un maximum d’activité au début de l’après-midi. Puis le métabolisme ralentit peu à peu jusqu’à tomber à son plus bas niveau d’activité vers 4 heures du matin. Ce n’est point par hasard s’il s’agit là de l’heure invariablement choisie par la police secrète et les agents de la Sûreté pour l’arrestation et l’interrogatoire des suspects. La vie se trouve à son plus bas étiage au cours des petites heures qui précèdent immédiatement l’aube.
Les sages-femmes se sont toujours plaintes des horaires de travail auxquels elles sont contraintes par les bébés qui s’obstinent à naître juste avant le petit déjeuner. Halberg, le physiologiste qui inventa le mot circadien, a aussi établi des statistiques qui prouvent que ce n’est pas seulement un vieux conte de bonnes femmes. Les douleurs de l’enfantement commencent deux fois plus souvent à minuit qu’à midi, et l’heure de pointe, dans les naissances, se produit aux environs de 4 heures, au moment précis où le cycle métabolique atteint son niveau le plus bas et où la mère a des chances d’être le plus détendue.
Pour étudier l’effet de la lumière et de l’obscurité sur ce cycle, Mary Lobban, du Conseil de recherche médicale de Grande-Bretagne, emmena un été un groupe d’étudiants volontaires dans l’archipel du Spitzberg. Ces îles s’étendent au nord de la Norvège, nettement à l’intérieur du cercle arctique, où la clarté du jour est continue entre mai et août. Les volontaires étaient divisés en deux groupes qui vivaient en colonies sur des îles séparées. Tous les membres d’une colonie furent munis de montres-bracelets qui retardaient ; quand elles indiquaient que vingt-quatre heures s’étaient écoulées, il s’en était passé vingt-sept en réalité. Ceux de l’autre colonie avaient des montres qui avançaient, de sorte que leurs « journées » de vingt-quatre heures ne duraient en réalité que vingt et une heures. Les groupes vivaient conformément à leurs horaires distincts et étaient examinés six fois par jour [3].
Les rythmes de température corporelle, dans les deux groupes, ne tardèrent pas à s’adapter aux nouveaux horaires : la température tomba à son niveau le plus bas durant la période de sommeil et fut à son apogée peu de temps après le lever. Que la personne se trouvât sur un cycle de vingt et une ou vingt-sept heures, le rythme suivait la courbe d’activité. Il semble donc que les modifications de la température humaine soient tout à fait indépendantes de la lumière et de l’obscurité. Le cycle de production d’urine prit plus longtemps pour s’acclimater aux nouveaux horaires ; mais au bout de trois semaines tous les volontaires produisaient les plus grands volumes d’urine en même temps qu’ils atteignaient leur maximum de température. Cette fonction, elle aussi, paraît indépendante de la lumière et liée davantage à la courbe d’activité du corps entier, mais heureusement, Lobban mesura également le métabolisme, ce qui donna des résultats tout à fait différents.
Entre autres traces d’éléments vitaux, le corps humain contient 150 grammes environ de potassium. Ce dernier se concentre en des cellules telles que les nerfs, qui transportent des signaux en échangeant rapidement, pendant la stimulation, du sodium et du potassium à travers leurs membranes superficielles. Tandis que le nerf s’apaise, une fois l’impulsion passée, le sodium est repoussé, le potassium repris, et la cellule est armée, prête à faire feu de nouveau. Chaque fois qu’a lieu cet échange, un peu de potassium se perd, et le corps en excrète environ trois grammes par jour. Dans des conditions normales, l’élimination du potassium suit une courbe rythmique similaire à celle de la température corporelle et de la production d’urine ; or, au Spitzberg, cette courbe se révéla tout à fait indépendante. Tous les volontaires présentèrent un cycle d’excrétion de potassium, mais les pertes les plus importantes se produisaient à des intervalles réguliers de vingt-quatre heures – des heures véritables, non des heures telles que les mesuraient les montres mensongères. Des études de confirmation pratiquées sur des hommes appartenant à des bases arctiques et antarctiques ont montré que, fût-ce après deux ans passés hors des rythmes normaux de jour et de nuit, les cycles de vingt-quatre heures d’excrétion de potassium continuent de persister.
Il semble qu’alors que les réactions grossières de notre organisme sont susceptibles de modifications à court terme suivant l’environnement, les activités fondamentales de la vie, telles que la communication entre cellules séparées, soient commandées par des mécanismes profondément enracinés qui répondent à la courbe temporelle de la planète en son ensemble.
L’homme a aussi une tendance naturelle à répondre au cycle annuel. Certains chercheurs ont découvert qu’il existe un rythme circannuel dans le changement de poids corporel et dans la fréquence des crises maniaco-dépressives ; mais la preuve la plus convaincante provient de nos dates de naissance. Dans l’hémisphère Nord, il naît plus d’enfants en mai et juin qu’en novembre et décembre. L’explication la plus vraisemblable semblerait être que ces enfants avaient été conçus au mois d’août de l’année précédente, quand les parents se trouvaient en vacances d’été, où ce genre de choses a plus de chances de se produire. Il paraît pourtant qu’il s’agisse d’un principe biologique plus fondamental, car les enfants nés en mai sont, en moyenne, plus lourds de deux cents grammes que ceux qui sont nés en n’importe quel autre mois. Cette différence est causée par un rythme annuel dans la production des hormones impliquées dans la grossesse. Nous avons encore une saison de reproduction.
La situation, bien entendu, est inversée dans l’hémisphère Sud. Une étude effectuée sur vingt et un mille recrues de l’armée, en Nouvelle-Zélande, a montré que les hommes les plus grands étaient tous nés entre décembre et février, qui sont là-bas les mois du plein été.
Dans les deux hémisphères, être né pendant les meilleurs mois semble comporter le droit de naissance d’une vie plus longue et d’une intelligence plus grande. La longévité dépend naturellement de la nutrition, de l’hygiène et peut-être même de facteurs héréditaires ; le fait subsiste néanmoins que dans une région relativement homogène comme la Nouvelle-Angleterre, les personnes qui sont nées en mars vivent en moyenne quatre ans de plus que celles qui sont nées en tout autre mois. La mensuration de l’intelligence au moyen du seul quotient intellectuel est suspecte ; mais une analyse de dix-sept mille écoliers de New York a montré que ceux qui étaient nés en mai obtenaient à ces tests des résultats meilleurs que ceux qui étaient nés à n’importe quel autre moment. Une observation similaire sur des enfants mentalement déficients de l’Ohio révéla une courbe différente, la plupart étant nés dans les mois hivernaux de janvier et février.
L’homme et la Lune
Le troisième rythme fondamental de la vie, le cycle lunaire, apparaît lui aussi dans les courbes temporelles des naissances humaines. La lune est liée de si près à la naissance qu’en certains endroits l’on va jusqu’à la surnommer « la grande sage-femme ». Afin de mettre à l’épreuve cette éventualité, les deux Drs Menaker ont recueilli des renseignements sur plus d’un demi-million de naissances ayant eu lieu dans les hôpitaux de New York entre 1948 et 1957. De cet énorme échantillonnage se dégage une tendance nette et statistiquement révélatrice : les naissances sont plus nombreuses en période de Lune décroissante qu’en Lune croissante, avec un maximum aussitôt après la pleine Lune et un net minimum à la nouvelle Lune. D’autres études, en Allemagne et en Californie, sur un échantillonnage plus réduit, n’ont point révélé pareille relation, mais il importe de se rappeler que les influences lunaires diffèrent suivant les situations géographiques. Les marées, dans la baie de Fundy, s’élèvent et s’abaissent sur l’incroyable hauteur de quinze mètres, tandis qu’à Tahiti la différence entre marée haute et marée basse n’est que de quelques centimètres. Il existe un rapport entre la naissance et les marées. Dans des communautés vivant sur la côte allemande de la mer du Nord, les heures de naissance montrent qu’un nombre exceptionnellement grand se produit juste à l’heure de la marée haute. En d’autres termes, il existe un soudain accroissement dans les naissances, chaque jour, au moment précis où la Lune passe directement au zénith. Un phénomène semblable se passe à Cologne, qui se trouve sur la même latitude, mais loin de la mer : ce ne sont donc pas les marées elles-mêmes qui commandent les contractions utérines, mais la Lune qui influence les unes et les autres.
Le temps de la naissance est bien entendu lié directement à celui de la conception, et celle-ci dépend de la phase du cycle menstruel. Il n’a pas échappé à l’attention que la durée moyenne du cycle féminin est presque identique à la période séparant deux pleines lunes. La menstruation de toutes les femmes de la Terre ne se produit naturellement pas le même jour, à la même phase de la Lune, mais on a peine à croire que la similitude entre les deux cycles soit pure coïncidence. Le grand chimiste suédois Svante Arrhenius a relevé 11 807 périodes menstruelles et constaté qu’il existait un léger rapport avec le cycle lunaire : le début de l’hémorragie se produisait plus souvent pendant le croissement que pendant le décours lunaire, avec un maximum le soir précédant la nouvelle Lune. Une récente étude allemande, effectuée sur dix mille menstruations, a elle aussi trouvé un maximum aux environs de la nouvelle Lune. D’autres chercheurs n’ont pas constaté pareille corrélation, mais il se peut qu’une certaine confusion soit due à la méthode de menstruation. Nous disons que le cycle menstruel commence avec le premier jour de l’hémorragie, mais ce n’est qu’une convention : la paroi utérine met trois ou quatre jours à se rompre et l’hémorragie peut devenir évidente à n’importe quel moment de ce processus. Le moment de l’ovulation, où le follicule éclate et libère l’ovule, constitue un événement biologique beaucoup plus précis et important, et une étude statistique prenant ce moment comme début du cycle pourrait bien révéler des relations plus étroites avec la Lune.
L’ovule vit moins de quarante-huit heures et, à moins qu’un spermatozoïde ne l’atteigne et ne le féconde au cours de cette période, il meurt. Ainsi la conception ne peut-elle avoir lieu que durant cet assez bref laps de temps. Le Tchèque Eugen Jonas a découvert que le temps de l’ovulation est lié à la Lune et que l’aptitude à concevoir, pour une femme pubère, coïncide avec la phase lunaire qui prévalait au moment de sa naissance. Jonas a mis sur pied dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est un service qui fournit à chaque femme un tableau fondé sur ses propres affinités lunaires. Utilisés en tant que mesures de contraception, ces tableaux se sont révélés avoir une efficacité de 98 % – ce qui est aussi bien que la pilule, et sans effets secondaires. Naturellement, les tableaux indiquent aussi à la femme tous les jours de sa vie où elle peut concevoir, et ils sont maintenant employés dans une large mesure afin d’assurer la fécondation aussi bien que de l’éviter.
Jonas a été fort critiqué parmi les obstétriciens ; on doit toutefois dire à sa défense que la menstruation dans son ensemble constitue un processus tellement paradoxal qu’il reste encore à son sujet beaucoup à comprendre. Dans nos corps, il est unique en ce qu’il implique la destruction régulière de tissus chez un individu normal et sain. George Corner, de Princeton, le nomme « un désordre inexpliqué dans le processus autrement coordonné de la fonction utérine ». Peut-être le paradoxe devait-il beaucoup plus autrefois à l’influence lunaire, et l’écart actuel, entre dix-neuf et trente-sept jours, dans la durée des cycles menstruels, n’est-il qu’une indication de son indépendance croissante par rapport à cette influence cosmique. Deux savants de l’American Air Force ont récemment démontré la possibilité d’influencer le cycle avec une Lune artificielle. Ils ont sélectionné vingt femmes ayant un passé d’irrégularité menstruelle chronique et les ont persuadées de laisser leurs chambres à coucher éclairées toute la nuit les trois jours précédant l’ovulation. Toutes ces femmes eurent leurs règles exactement quatorze jours plus tard ; ainsi peut-être la Lune a-t-elle encore une très forte influence sur l’hémorragie menstruelle.
Il existe nettement un rapport étroit entre la Lune et le saignement en général. La superstition prétend que la Lune commande l’écoulement du sang de la même façon qu’elle commande les marées. Quand la saignée constituait une forme habituelle de traitement médical, on la pratiquait toujours par Lune décroissante, car on croyait qu’il était trop dangereux de perdre du sang quand la lumière augmentait et que la marée commençait à monter. Cette superstition pourrait bien être fondée en fait. Edson Andrews, de Tallahassee (Floride), rapporte que dans l’examen de plus de mille « saigneurs » – opérés nécessitant sur la table d’opération des moyens inhabituels d’hémostase, ou devant être ramenés sur le « billard » par suite d’hémorragies – 82 % de toutes les crises d’hémorragie avaient eu lieu entre le premier et le dernier quartier de la Lune, avec un sommet significatif au moment où la Lune était pleine. Le Dr Andrews achève son rapport par ces mots : « Ces données ont été si concluantes et convaincantes à mes yeux que je menace de devenir un sorcier guérisseur et de n’opérer que par les nuits sombres, réservant pour le sentiment les nuits à clair de lune. »
Il y a quelque chose, quant aux nuits à clair de lune, qui affecte d’étrange façon nombre de gens. Le vocable même de « lunatique » suggère un lien direct entre la lune et la folie ; en fait, cette superstition fait l’objet d’une croyance si largement répandue qu’elle était même autrefois inscrite dans la loi. Il y a deux siècles, la loi anglaise distinguait entre « fous », c’est-à-dire psychotiques, chroniques et incurables, et « lunatiques », sujets seulement à des aberrations provoquées par la Lune. Les délits commis à la pleine Lune par ceux de la seconde catégorie étaient considérés par les tribunaux avec plus d’indulgence. Les directeurs d’asiles ont toujours craint l’influence de la Lune sur les hôtes « mal lunés » et annulé les sorties de personnel les nuits de pleine Lune. Au XVIIIe siècle, les patients étaient même battus la veille de la pleine Lune, à titre de prophylaxie contre les violences de leur part la nuit suivante. Les violences officielles de ce genre sont maintenant heureusement bannies, ce qui n’empêche pas une bonne partie du vieux folklore lunaire de subsister. Il se pourrait qu’il y ait du vrai là-dedans.
L’Institut américain de climatologie médicale a publié un rapport concernant l’effet de la pleine lune sur le comportement humain où il note que des délits présentant de fortes motivations psychotiques tels que pyromanie, cleptomanie, conduite automobile destructrice et alcoolisme homicide, montrent tous de nets maxima quand la Lune est pleine et que des nuits couvertes ne constituent pas une protection. Léonard Ravitz, neurologue et consultant de psychiatrie, a découvert un lien physiologique direct entre l’homme et la Lune qui pourrait expliquer ces corrélations. Voilà nombre d’années que Ravitz mesure les différences de potentiel électrique entre la tête et le thorax des malades mentaux. Il a aussi testé des passants choisis au hasard et trouvé que tout le monde manifeste une courbe cyclique qui se modifie d’un jour à l’autre, et que les plus grandes différences entre résultats de la tête et du thorax ont lieu à la pleine Lune, en particulier chez les malades mentaux. Ravitz émet l’hypothèse que, étant donné que la Lune modifie le champ magnétique de la Terre, ces modifications précipitent des crises chez des gens dont l’équilibre mental est déjà précaire. « Quoi que nous puissions être d’autre, nous sommes tous des machines électriques. Ainsi nos réserves d’énergie peuvent-elles bien être mobilisées par des facteurs universels périodiques (tels que les forces lunaires), ce qui tend à aggraver les mauvaises adaptations et les conflits déjà existants. »
On poursuit des études sur d’autres relations physiologiques possibles entre l’homme et la Lune. On a soutenu que les décès dus à la tuberculose sont plus fréquents sept jours avant la pleine Lune, ce qui serait lié à un cycle lunaire dans le pH (le taux d’acide par rapport à l’alcali) du sang. Et on a aussi signalé des corrélations entre les phases lunaires, la pneumonie, la quantité d’acide urique dans le sang, et même l’époque de la mort.
La lune affecte manifestement l’homme à beaucoup d’égards. L’influence de l’attraction lunaire constitue un effet direct, mais quant à la lumière, la Lune ne représente qu’un intermédiaire exposé à la gloire reflétée du Soleil. Aussi n’est-il pas surprenant de constater que l’homme est encore plus fortement touché par le Soleil.
L’homme et le Soleil
La mort noire, qui tira Newton de son collège et lui fit faire une découverte capitale, balaya l’Angleterre en 1665. Les archives astronomiques du temps montrent que ce fut une année d’intense activité des taches solaires, et des études sur les cercles annuels des arbres, plus larges dans les périodes de perturbation du Soleil, révèlent que la terrible peste de 1348 s’accompagna elle aussi d’activité solaire. Un professeur d’histoire russe a recueilli des corrélations de ce genre durant quarante ans, dont beaucoup furent passés en Sibérie pour avoir osé suggérer que les transformations sociales majeures étaient probablement dues davantage aux taches solaires qu’au matérialisme dialectique. Tchijevski prétend que les grands fléaux, les apparitions de la diphtérie et du choléra en Europe, le typhus russe et les épidémies de variole à Chicago, tout cela se produisit aux apogées du cycle solaire de onze années. Il remarque aussi que, durant le siècle allant de 1830 à 1930, l’Angleterre eut des gouvernements libéraux au cours des apogées des taches solaires tandis que les conservateurs ne furent élus que dans les années plus tranquilles.
Cela paraît incroyable ; pourtant, nous savons que le comportement est commandé par la physiologie et nous avons maintenant la preuve que le Soleil exerce un effet direct sur une part de notre chimie corporelle. Maki Takata, de l’université de Toho, au Japon, est l’inventeur de la « réaction Takata » qui mesure la quantité d’albumine dans le sérum sanguin. Elle passe pour être constante chez les hommes, et varier chez les femmes suivant le cycle menstruel ; or, en 1938, tous les hôpitaux qui pratiquaient ce test signalèrent une soudaine élévation de niveau chez les deux sexes. Takata entreprit une expérience sur des mensurations simultanées du sérum provenant de deux hommes séparés par cent soixante kilomètres. Sur une période de quatre mois, leurs courbes de variation quotidienne furent exactement parallèles, et Takata conclut que le phénomène devait être mondial et dû à des facteurs cosmiques.
Sur une période de vingt années, Takata s’est trouvé en mesure de montrer que les modifications du sérum sanguin se produisent surtout quand des taches solaires majeures interfèrent avec le champ magnétique terrestre. Takata fit des tests au cours des éclipses de 1941, 1943 et 1948 et constata qu’elles inhibaient sa réaction autant que si on les pratiquait dans un puits de mine à deux cents mètres sous terre. Il expérimenta aussi sur des sujets qui se trouvaient à bord d’un avion volant à près de dix mille mètres et découvrit que la réaction se produisait plus fortement à des altitudes où l’atmosphère est trop mince pour fournir une protection efficace contre les radiations solaires. De récents travaux soviétiques viennent appuyer l’idée que notre sang est directement affecté par le Soleil. Plus de 120 000 tests furent pratiqués sur les gens d’une station de la mer Noire en vue de mesurer la quantité de lymphocytes contenus dans leur sang. Ces petites cellules constituent normalement de 20 à 25 % des globules blancs de l’homme, mais dans les années de grande activité solaire, cette proportion décroît. Il y eut une forte baisse au cours des années à taches solaires de 1956 et 1957, et le nombre de personnes souffrant de maladies provoquées par une déficience en lymphocytes doubla en fait durant la formidable explosion solaire de février 1956.
D’autres maladies affectées directement par les troubles magnétiques comprennent la thrombose et la tuberculose. Le 17 mai 1959, il y eut trois éruptions solaires d’une grande puissance. Le lendemain, vingt personnes atteintes de crises cardiaques furent admises dans un hôpital de la mer Noire qui normalement reçoit une moyenne de deux cas par jour. Deux spécialistes français du cœur ont découvert qu’il existe une corrélation très élevée entre le Soleil et les infarctus du myocarde (arrêts du cœur provoqués par des caillots sanguins). Ils émettent l’hypothèse que la radiation solaire favorise la formation de caillots sanguins près de la peau chez les personnes ayant cette prédisposition, et que ces caillots produisent alors des blocages fatals au sein de l’artère coronaire. L’hémorragie dans les poumons des tuberculeux suit un processus similaire. Les jours les plus dangereux sont ceux où l’on peut voir une aurore boréale – c’est-à-dire les jours où une forte activité des radiations solaires perturbe l’atmosphère.
Un grand nombre de fonctions corporelles semblent être influencées par des modifications provoquées par le Soleil dans le champ magnétique terrestre. S’il en est ainsi, on peut penser que le système nerveux, qui dépend presque entièrement de stimuli électriques, est le plus affecté et cela semble être le cas. Une étude concernant 5 580 accidents survenus dans les mines de charbon de la Ruhr montre que la plupart ont eu lieu un lendemain d’activité solaire. Des études concernant les accidents de la circulation, en Russie et en Allemagne, montrent qu’ils augmentent jusqu’à quatre fois par rapport à la moyenne les lendemains d’éruption solaire. Un examen de 28 642 admissions dans des hôpitaux psychiatriques new-yorkais montre une très nette augmentation les jours où l’observatoire magnétique signale une forte activité. Cela donne à supposer que les accidents sont probablement dus à une perturbation plus profonde qu’une simple diminution du temps de réaction. De tels résultats indiquent nettement que l’homme est, entre autres, un vivant cadran solaire d’une sensibilité remarquable.
Les Planètes
Notre sensibilité au Soleil s’étend des rayons lumineux aux plus grandes longueurs d’ondes de la radio. Nous voyons le Soleil, nous sentons sa chaleur et nous réagissons aux transformations qu’il produit dans le champ magnétique de la Terre. Ces transformations affectent la réception radiophonique suivant un schéma qui peut être prédit par la position des planètes, ainsi que l’a montré Nelson. Bien que l’intensité de ces modifications soit réduite, elle exerce un effet des plus marqués sur des processus biochimiques tels que l’activité nerveuse. On peut mesurer les variations de potentiel électrique qui suivent les mouvements des corps célestes au sein de notre système solaire, simplement en perçant deux trous dans un tronc d’arbre ; aussi n’est-il point surprenant de constater que le complexe organisme humain se trouve affecté par les planètes.
Michel Gauquelin, du Laboratoire psychophysiologique de Strasbourg, a été le premier à quantifier cet effet. Ses vingt ans de recherches assidues sont résumés dans son excellent ouvrage, Les Horloges cosmiques. C’est en 1950 que Gauquelin commença de s’intéresser aux rythmes planétaires et à chercher des corrélations possibles sur la Terre. À mesure que notre planète tourne autour de son axe, le Soleil et la Lune semblent se mouvoir au-dessus de nos têtes, se levant et se couchant selon des journées solaires et lunaires dont la durée dépend de notre latitude et de l’époque de l’année. Les autres planètes voyagent au travers de notre horizon de la même façon, donnant des jours vénusiens et martiens non moins prévisibles. En Europe, l’heure exacte de la naissance est partout consignée dans les registres d’état civil, ce qui permit à Gauquelin de recueillir des informations et de les comparer avec les positions des planètes calculées d’après des tables astronomiques. Il choisit 576 membres de l’Académie de médecine française et s’aperçut, à son vif étonnement, qu’un nombre extraordinairement élevé d’entre eux étaient nés quand Mars et Saturne venaient de se lever ou d’atteindre leur point le plus haut dans le ciel. Afin de vérifier ces découvertes, Gauquelin prit un autre échantillonnage de 508 médecins fameux, et obtint les mêmes résultats. Il y avait une forte corrélation statistique entre le lever de ces deux planètes au moment où naissait un enfant, et sa réussite à venir en tant que médecin.
Pris ensemble, ces deux tests donnent des chances de dix millions contre un par rapport au simple hasard. Pour la première fois dans l’histoire, un savant avait fourni la preuve que les planètes exercent effectivement une influence ou du moins indiquent une influence, sur nos vies. Voilà qui donne à la science un point de contact d’importance avec les vieilles croyances de l’astrologie.
Celle-ci repose sur la prémisse fondamentale que les phénomènes célestes affectent la vie et les événements d’ici-bas. Aucun savant, et certainement aucun biologiste au courant des plus récents travaux sur les conditions météorologiques et les rythmes naturels, ne saurait nier que cette prémisse est prouvée. La Terre et sa vie sont affectées par le cosmos et il n’y a matière à discussion qu’en ce qui concerne le degré d’influence. Les astrologues prétendent beaucoup de choses jusqu’à présent sans fondement et qui peuvent fort bien être erronées, mais il existe une masse croissante d’indices de la véracité d’une partie au moins d’entre elles [4].
Michel Gauquelin continue d’apporter les plus importantes contributions dans ce domaine. À la suite de sa découverte du lien entre Mars et la médecine, il étendit ses études à d’autres professions, et réunit toutes les dates de naissance de Français célèbres qu’il put trouver. Encore une fois, il constata une impressionnante corrélation entre les planètes et les professions. Médecins et savants fameux étaient nés tandis que Mars apparaissait au-dessus de l’horizon cependant que les artistes, peintres et musiciens avaient rarement vu le jour à ce moment. Soldats et politiciens étaient nés plus souvent sous l’influence d’un lever de Jupiter, mais les enfants nés tandis que cette planète se trouvait à l’ascendant devenaient rarement des savants.
Aucun écrivain français célèbre n’était né avec Saturne à l’ascendant ; néanmoins, les relations n’étaient pas toutes aussi nettes. Pour démontrer ses corrélations, Gauquelin dut recourir à des techniques statistiques – dont l’emploi soulève certains problèmes. Nous savons que dans l’hémisphère Nord le mois présentant les taux de naissance les plus élevés est juin, et que les jours sont plus longs en juin qu’en tout autre mois. Donc, en dépit du fait qu’il y a tous les ans des quantités égales de lumière et d’obscurité, il existe une plus grande chance que les enfants naîtront à la lumière du jour. Nous savons aussi que les naissances suivent une courbe rythmique, plus d’enfants naissent le matin que l’après-midi, ce qui introduit encore un autre vecteur. Les planètes suivent le même genre de mouvement que le Soleil ; aussi les chances de naissance ayant lieu à toutes les heures du jour planétaire ne sont-elles pas égales. Gauquelin appliqua des corrections pour toutes ces conditions avant de comparer ses échantillons et d’en déterminer la signification. Ses statistiques furent examinées en détail par Tornier, professeur de théorie mathématique à Berlin, qui n’y trouva aucune erreur, mais un autre statisticien suggéra que les résultats ne faisaient que refléter une particularité nationale des Français et que les mêmes méthodes appliquées à d’autres pays risquaient de produire des résultats différents.
Cela contraignit Gauquelin à faire un travail similaire en Italie, en Allemagne, en Hollande et en Belgique, jusqu’à ce que, trois ans plus tard, il eût vingt-cinq mille cas. Les résultats furent les mêmes. Savants et médecins étaient nettement liés à Mars et à Saturne ; soldats, politiciens et athlètes d’équipe, à Jupiter. Les naissances d’écrivains, de peintres et de musiciens ne se trouvaient liées à la présence d’aucune planète, mais évitaient manifestement Mars et Saturne, tandis que les savants et les médecins étaient inexistants sous Jupiter. Les gens exerçant une activité solitaire, comme les écrivains et les coureurs de fond, étaient liés de façon beaucoup plus nette à la Lune qu’à aucune des planètes. Cette fois, trois statisticiens bien connus, dont Faverge, professeur de statistique à la Sorbonne, examinèrent les résultats et ne trouvèrent aucune erreur dans les calculs de Gauquelin non plus que dans les méthodes qu’il utilisait pour recueillir ses données. Une expérience témoin pratiquée sur des personnes choisies au hasard donna des résultats strictement conformes aux lois du hasard.
Un critique opiniâtre de ces travaux, bien que forcé maintenant d’admettre assez à contrecœur que la position de certains corps célestes au sein de notre système solaire a quelque chose à voir avec au moins neuf professions différentes, rejette l’ensemble en déclarant qu’il s’agit de « l’absurde expression d’une absurde expérience ». La répugnance passionnelle de ce critique envers tout ce qui est occulte lui dissimule le fait que ces travaux sont bien loin de démontrer que l’astrologie est une réalité prouvée. Ils démontrent, sans aucun doute, que la position des planètes signifie quelque chose – la position, et non les planètes elles-mêmes. Il nous reste à décider si les planètes agissent de façon directe sur nous, ou si leur position est purement symbolique d’une beaucoup plus vaste disposition cosmique de l’énergie dont elles et nous ne formons qu’une petite partie.
Je reviendrai plus tard à ce problème, car, dans un sens, peu importe ce qu’est l’agent causal. Si un astrologue peut utiliser la position des planètes en tant que clé sûre pour interpréter et prédire l’action d’une force cosmique, cela ne fait aucune différence que cette force provienne d’Andromède ou d’une soucoupe volante. L’électricité a été découverte et utilisée avec beaucoup d’efficacité longtemps avant que quiconque en eût compris le mode de fonctionnement. Ce qui importe davantage, pour le moment, c’est de comprendre l’effet que les planètes semblent avoir sur nous.
D’abord, nous avons vu que, dans l’accouchement, le travail est facilité lorsque la mère se trouve détendue, au point le plus bas de son cycle circadien. On a aussi montré que les naissances sont nettement plus nombreuses au cours d’orages magnétiques : il est donc possible que les conditions électromagnétiques prévalant au moment où une planète comme Mars apparaît au-dessus de l’horizon puissent provoquer les douleurs de l’enfantement et la naissance. Cela signifierait que seule la mère était en cause, et que pour l’enfant les conditions au moment de la naissance ne faisaient pas la moindre différence ; mais cela n’explique pas le lien entre la planète et la profession qu’adoptera l’enfant.
La seconde possibilité, c’est que la planète ou les conditions prévalentes modifient l’enfant au moment de la naissance et déterminent en un sens son avenir. Il s’agit là, bien sûr, de la doctrine astrologique orthodoxe : la disposition des cieux au moment précis de la naissance influe sur l’enfant et façonne sa destinée. La plupart des astrologues modernes ne sont nullement figés dans cette croyance rigide et assez boiteuse et je dois dire qu’en tant que biologiste je la trouve peu satisfaisante. En quoi consiste, par exemple, le moment de la naissance ? La durée moyenne de celle d’un premier-né, depuis le moment où la tête rencontre le fond pelvien jusqu’à ce qu’émerge le dernier membre, est de deux heures. Pendant ce temps, une planète peut changer totalement de position. Certains astrologues mesurent la vie à partir de l’instant du premier cri de l’enfant ; or, on a peine à voir pourquoi cela devrait constituer le moment caractéristique. Il y a des moments plus critiques dans la naissance. La descente des dix centimètres du vagin est probablement le voyage le plus périlleux que nous fassions jamais, et à un certain moment l’enfant subit un traumatisme et une gêne considérables qui risquent de le rendre plus vulnérable que d’habitude aux influences extérieures. Le bassin tourne la tête du bébé dans la meilleure position pour l’expulsion et l’élasticité des os du crâne, en même temps que l’espace qui les sépare, lui permet de passer sans dommage visible ; mais pendant ce temps, l’utérus le pousse par-derrière avec une force assez grande pour casser le doigt d’un obstétricien. Ce pourrait être là le moment astrologique, celui où le cerveau est forcé, par la pression physique exercée sur lui, à entrer dans un nouveau genre d’activité et à s’exposer à l’influence cosmique. Mais cela n’explique pas la vie normale des enfants nés par césarienne, et qui, bien que n’étant pas passés par le drame natal, n’en gardent pas moins leur propre destinée originale.
Une objection plus solide à la théorie de l’ « instant de la naissance » est fournie par ce que nous savons maintenant sur les forces cosmiques en cause. Autrefois, le sein maternel était considéré comme l’équivalent vivant de la chambre à « conditions stables », si chère aux zoologistes expérimentaux ; or, il faut maintenant renoncer à croire en l’un et en l’autre. Certes, la matrice est chaude et confortable, température et humidité contrôlées comme dans une chambre d’hôtel Hilton ; mais d’autres conditions ne sont pas aussi uniformes. Une certaine quantité de lumière pénètre la peau mince, distendue, du ventre maternel ; toute mère sait qu’un bruit violent peut effrayer un enfant qui n’est pas encore né et le faire frapper aux parois de la matrice en guise de protestation ; et la plupart des radiations traversent le corps de la mère et celui de l’enfant presque d’un seul mouvement. On a peine à croire que les forces électromagnétiques provenant de l’environnement n’influencent un enfant qu’au moment de la naissance, alors qu’il a été exposé à ces forces durant toute la période de gestation.
Une théorie beaucoup plus vraisemblable est que l’environnement cosmique joue un rôle important au moment de la conception ou peu de temps après, quand les matériaux bruts de l’hérédité en sont encore à se trier pour donner l’arrangement final du nouvel individu. La plus légère chiquenaude à ce moment-là suffirait à modifier suffisamment la direction du développement pour provoquer un effet majeur sur le produit fini. La quantité d’énergie nécessaire à la production d’un effet augmente à mesure que l’embryon devient plus vieux, plus grand, plus complexe et moins souple. La plupart des stimuli cosmiques sont assez faibles et il paraît plus vraisemblable qu’ils agissent aux stades primitifs du développement plutôt qu’à la naissance. Quoique la matrice soit rien moins que tranquille, l’embryon est abrité de l’environnement et protégé contre certains de ses effets les plus manifestes. En ce lieu relativement paisible, il se peut que l’enfant apprenne à répondre à des signaux qui nous sont masqués par le barrage des stimuli extérieurs. Un hamster en laboratoire, privé du Soleil qui lui disait autrefois quand il devait hiberner, apprend à s’élever de la nature à la Surnature et répond à la place au rythme moins perceptible du passage de la Lune. Il se peut qu’un enfant à naître soit plus sensible que sa mère aux délicats synchroniseurs spatiaux, et utilise même ces indications pour « décider » quand il doit naître. Le placenta et le fœtus sont originaires de la même cellule ; ils constituent en réalité la même chair ; aussi n’est-il pas invraisemblable que ce soit l’enfant qui donne au placenta le signal qui met en marche les contractions utérines et déclenche les douleurs de l’enfantement. Ce qui nous conduit à penser que c’est au stade précoce de l’embryon que les forces cosmiques pourraient le mieux influencer l’être humain pour en modifier le plan dans un sens ou dans l’autre et que, pendant qu’il se développe, l’embryon reste en harmonie avec le cosmos, peut-être même au point de mettre en scène lui-même sa première apparition en public.
Gauquelin croit que la tendance du bébé à naître sous une certaine planète pourrait être héréditaire. Afin de vérifier cette idée, il a travaillé durant plus de cinq ans sur les données de naissance de plusieurs départements de la région parisienne, réunissant des informations sur plus de trente mille parents et leurs enfants. Il a calculé les positions de Vénus, Mars, Jupiter et Saturne pour toutes les personnes en cause, et retrouvé la preuve écrasante que des parents nés lorsqu’une de ces planètes était à l’ascendant donnaient le plus souvent le jour au moment où la même planète se situait dans la même position. Des facteurs comme le sexe du parent, celui de l’enfant, la durée de la grossesse et le nombre des enfants précédents n’avaient aucun effet sur les résultats ; mais la corrélation était à son comble si les deux se trouvaient nés sous la même planète. Cette idée se relie faiblement à celle déjà vue de l’enfant fixant lui-même le moment de sa naissance, si on suppose que chaque individu porte un gène qui le rend sensible à un type particulier de stimuli cosmiques. Nous savons que c’est ce qui se produit chez les drosophiles, lesquelles éclosent infailliblement à l’aube. Gauquelin conclut que l’avenir entier de l’enfant dépend de sa structure génétique et qu’une partie de celle-ci détermine le moment de sa naissance. Il émet l’hypothèse que, grâce à l’étude de la position des planètes à la naissance, « … il paraît possible d’élaborer des prévisions sur l’avenir du tempérament et du comportement social de l’individu ».
Michel Gauquelin lui-même semble répugner à l’admettre, mais c’est exactement ce que l’astrologie prétend faire. Il est donc temps que nous l’examinions de plus près.
L’astrologie
Pour commencer, nous pouvons rejeter complètement la populaire version journalistique de l’astrologie. Les faciles prédictions générales, où tous les gens nés sous le signe des Poissons jouiront d’une journée favorable pour faire de nouveaux projets, tandis qu’un autre douzième de la population mondiale sera occupé à rencontrer des inconnus séduisants, n’ont rien à voir avec l’astrologie. Elles sont considérées avec un mépris bien mérité aussi bien par les astrologues que par ceux qui les critiquent. Peut-être la meilleure façon d’aborder la véritable astrologie est-elle d’étudier les outils de la profession et de voir comment on les utilise. L’instrument de base essentiel est l’horoscope, qui signifie littéralement « vue de l’heure », et consiste en une carte détaillée, minutieuse, des ciels tels qu’ils étaient à l’endroit exact et au moment précis où est né le sujet. Chaque horoscope est différent ; bien dessiné, avec l’attention qu’il faut à chaque détail, il peut être presque aussi distinctif qu’une empreinte digitale [5].
Dans l’édification d’un horoscope il y a cinq étapes :
1. Établir la date, l’heure et le lieu de la naissance.
2. Calculer le temps sidéral approprié.
Bien que nous opérions par commodité sur une journée de vingt-quatre heures, la véritable durée du jour, la période de rotation de la Terre par rapport à l’univers, est de quatre minutes plus courte. Le temps sidéral s’obtient d’après des tables standard, fondées sur le méridien de Greenwich en Angleterre, qui doivent être corrigées en fonction du fuseau horaire, de la longitude et de la latitude du lieu de naissance.
3. Trouver le « signe ascendant ». Les planètes se déplacent toutes autour du Soleil dans le même plan ; aussi les voyons-nous toujours passer au-dessus de nos têtes à travers la même bande de ciel qui s’étend tout autour de la Terre. Situés le long de cette ligne, appelée l’écliptique, se trouvent douze principaux groupes d’étoiles, portant les noms fameux du zodiaque. Bien que certaines de ces constellations soient plus grandes et plus brillantes que les autres, on leur attribue à toutes la même valeur en divisant la bande en douze portions égales de 30°. Le signe levant, ou ascendant, est la zone constellaire en train de s’élever au-dessus de l’horizon oriental au moment de la naissance. Ce n’est pas nécessairement le même que le « signe solaire ». Quand quelqu’un déclare : « Je suis Bélier », il veut dire qu’il est né entre le 21 mars et le 20 avril, époque où le Soleil se lève en même temps que cette constellation. Si une personne est née au lever du Soleil, son signe ascendant et son signe solaire seront les mêmes.
4. Trouver le « signe de zénith ».
C’est la zone de constellation située droit au zénith au moment de la naissance. Comme le signe ascendant, on peut la déterminer d’après des tables standard.
5. Inscrire la position du Soleil, de la Lune et des planètes sur une carte de naissance.
Cette carte inclut toutes les planètes, même celles qui sont au-dessous de l’horizon au moment de la naissance. Tous les détails sont empruntés à un livre appelé « éphéméride » – signifiant « ce qui change » –, publié chaque année.
Jusqu’ici, la technique est parfaitement respectable ; aucun savant ne pourrait trouver à redire à la logique en cause, ni aucun astronome, aux tables utilisées dans les calculs. La division de l’écliptique en douze zones est arbitraire à certains égards, mais se révèle commode et, tant que les zones ont toutes la même dimension, les comparer entre elles ne saurait soulever d’objection. L’animal ou le personnage qui est censé habiter chacune des douze zones représente plus une aide pour la mémoire qu’une véritable figure d’étoiles ou une force cosmique. En fait, depuis que les anciens Babyloniens mirent au point leur test de Rorschach céleste et donnèrent des noms aux éclaboussures d’étoiles, la position de l’axe terrestre s’est un peu modifiée et les zones du zodiaque ne sont plus exactement alignées sur les constellations d’après lesquelles elles avaient été nommées. Mais cela est sans conséquence ; les zones sont définies avec précision dans les tables utilisées pour calculer un horoscope et leur symbolisme ne présente aucune importance.
L’outil fondamental de l’astrologie est donc valable et indiscutable. Les controverses ne s’élèvent que sur l’emploi de l’outil, la façon dont l’horoscope se trouve interprété ; il est néanmoins surprenant de constater à quel point la science et l’astrologie sont d’accord. Les astrologues commencent leur interprétation des données de la naissance en disant que les choses terrestres sont influencées par des événements extérieurs. Les savants ne peuvent qu’approuver. L’astrologie déclare que les personnes, les événements et les idées sont tous influencés à leur moment d’origine par les conditions cosmiques dominantes. La science, qui passe une bonne partie de son temps à mesurer les transformations continuelles du décor cosmique, doit concéder que la chose est possible. L’astrologie prétend que nous sommes le plus influencés par les corps célestes les plus proches de nous, ceux de notre système solaire, et que les deux plus importants sont le Soleil et la Lune. Encore une fois, la science, aujourd’hui qu’elle connaît le photopériodisme ainsi que l’action des rythmes solaires et lunaires, ne peut que tomber d’accord. L’astrologie continue en prétendant que les positions relatives des planètes ont pour nous de l’importance, et la science, depuis les travaux de Nelson concernant l’influence des planètes sur la réception radiophonique, doit admettre à contrecœur qu’il s’agit encore là d’une possibilité. Puis l’astrologie s’avance en terrain moins solide avec la prétention que chacune des planètes influence la vie d’une façon différente. Pourtant, depuis les travaux de Gauquelin sur les rapports entre planètes et professions, cette idée elle-même commence aujourd’hui à présenter une certaine respectabilité scientifique.
La division véritable entre les milieux de la science et ceux de l’astrologie intervient non point quand les astrologues signalent les modifications du cosmos, mais lorsqu’ils prétendent savoir exactement ce qu’elles signifient. Savants et astrologues décrivent les phénomènes célestes et calculent les modifications discernables que ceux-ci produisent au sein de l’environnement ; mais les astrologues ne s’arrêtent pas là et ont forgé un appareil compliqué, et qui paraît tout à fait arbitraire, pour les aider à interpréter ce qu’ils voient. Aujourd’hui, la plupart de ceux qui pratiquent l’astrologie ne se donnent même plus la peine de regarder, mais se fient entièrement, à la charpente traditionnelle pour faire à leur place leurs interprétations. Étant donné qu’il s’agit là de l’actuelle pierre d’achoppement entre les disciplines, il est bon d’examiner de plus près la nature de la tradition.
L’astrologie représente une équation dont les positions de tous les corps célestes importants de notre système solaire constituent les variables. Les positions de ces corps mobiles autour d’un point fixe à un moment donné sont prévisibles et se combinent pour produire un système unique de conditions capables d’influencer tout ce qui se produit à cet endroit. L’astrologie prétend que chacun des corps exerce un effet particulier sur nous (Mercure commande l’intellect), mais que cet effet se trouve modifié par les étoiles situées derrière lui au moment considéré. Chacune des douze constellations du zodiaque possède également sa propre influence particulière (la Vierge passe pour avoir des attributs critiques, analytiques) ; aussi, Mercure apparaissant dans la zone de la Vierge à la naissance de quelqu’un passe pour rendre cette personne non seulement intelligente, mais capable d’appliquer cette intelligence avec adresse et sagacité. Sur l’horoscope, ou carte du ciel à ce moment, la planète figure à l’intérieur de l’arc de 30° qui passe pour englober la zone d’influence de la Vierge.
Également sur cette carte de l’horoscope existe une seconde subdivision en douze sections qui ne repose sur aucune observation astronomique connue. Elles sont nommées les « maisons », et chacune d’elles, comme les zones stellaires, occupe 30° du cercle céleste. La première maison commence à l’horizon oriental et se projette au-dessous ; le reste suit dans l’ordre jusqu’à la douzième maison, qui s’étend juste au-dessus de l’horizon oriental. Ainsi le signe ascendant se trouve-t-il toujours dans la douzième maison, mais les zones zodiacales et les maisons ne coïncident jamais exactement, à moins que l’enfant ne soit né au moment précis où telle zone cède la place à la suivante. De même que les planètes et les étoiles, les maisons possèdent des attributs traditionnels. La dixième maison, par exemple, passe pour être liée à l’ambition et à la position sociale. Donc, si notre sujet avec Mercure en Vierge a également ces deux derniers dans sa dixième maison, un astrologue prédirait que l’adroite application de son intellect devrait rendre la personne en question très célèbre.
Ainsi l’astrologie prétend-elle qu’une longue expérience a montré que les planètes exercent une influence prévisible sur le caractère, laquelle est modifiée par des effets secondaires, bien qu’également prévisibles, d’étoiles en conjonction avec la planète à ce moment, et que les effets combinés de ces forces sur une personne sont déterminés par la position de la combinaison planète-étoiles dans l’espace au moment de la naissance de l’enfant. Il y a dix gros corps célestes au sein de notre système solaire, douze groupes d’étoiles, et douze zones que tout cela peut occuper ; cependant, les astrologues estiment que les plus importantes associations sont celles qui se produisent en fait à l’horizon oriental au moment la naissance (les signes ascendants), et celles qui s’y trouveront au lever du Soleil (les signes solaires). Cela s’accorde avec la découverte de Gauquelin, que c’est la planète à l’ascendant lors de la naissance qui se trouve liée à la profession. Donc, si une force cosmique exerce une influence particulière au moment précis où la Terre tourne dans sa direction, il semble raisonnable d’admettre que cette influence sera renforcée par l’apparition supplémentaire du Soleil au même moment. Une fois encore, il y a peu de chose, dans le mécanisme de ces effets hypothétiques, qui pourrait choquer un homme de science à l’esprit large ; mais c’est avec les attributs spécifiques de la tradition astrologique que naissent les difficultés. Nous ne sommes pas au bout de nos peines.
L’astrologie poursuit en prétendant que le caractère (tel que déterminé par une planète) et ses manifestations (telles qu’influencées par un groupe stellaire) sont modifiés davantage encore par les relations des différentes planètes entre elles.
Quand une planète forme un certain angle avec une autre, elles sont dites « en aspect ». Si l’on peut voir les deux ensemble au même point du ciel, elles sont « en conjonction », et passent pour exercer une influence puissante sur les événements. Si l’une est à l’horizon oriental et l’autre à l’horizon occidental, elles sont écartées de 180 degrés et « en opposition », ce qui passe pour une relation négative ou mauvaise. Si l’une se trouve à l’horizon et l’autre au zénith, elles ont un écart de 90 degrés, elles sont « en équerre », et cela aussi est mauvais. Mais si l’angle qui les sépare est de 120 degrés, elles sont « en trigone », ce qui est positif et bon. Bien qu’il s’agisse là des principaux aspects, les angles de 30, 45, 60, 135 et 150 degrés sont également significatifs. En pratique, une variation allant jusqu’à 9 degrés autour de ces angles d’aspect fixes est considérée comme autorisée.
Dans son interprétation d’un aspect, l’astrologue utilise la valeur traditionnelle de l’angle entre les planètes pour déterminer la combinaison de leurs attributs traditionnels. Uranus, par exemple, passe pour être liée au « changement brusque », et Pluton à l’ « élimination ». Une fois tous les cent quinze ans, elles entrent en conjonction ; cela s’est produit en 1963, et l’astrologie déclare que toute personne née sous cet aspect se voit destinée à devenir un chef mondial, doté d’énormes pouvoirs aussi bien pour le bien que pour le mal. En ce point, il est fort intéressant de revenir aux travaux de Nelson sur la réception radiophonique. Il a découvert que des désordres se produisaient quand deux planètes ou davantage étaient en conjonction ou en aspect de 90 à 180 degrés par rapport au Soleil. Il s’agit précisément là des aspects dont l’astrologie prétend qu’ils sont puissants et risquent d’être « discordants » ou « mauvais ». Nelson découvrit aussi que des conditions prévisiblement bonnes, exemptes de troubles, se produisaient quand les planètes se disposaient selon des angles de 60 ou 120 degrés par rapport au Soleil. Or, ce sont les aspects que la tradition astrologique trouve « bons ».
Ces facteurs et ces mensurations sont d’une grande complexité ; ils ne forment pourtant qu’une partie du vaste réseau de relations compliquées dont se servent les astrologues. Il existe des centaines de milliers de guides répertoriés pour l’interprétation, couvrant des millions de combinaisons possibles d’événements cosmiques. Même les plus ardents thuriféraires de l’astrologie admettent que leur étude manque d’une base philosophique nette, que les lois et principes qui la gouvernent sont encore mal coordonnés, que les documents sont dispersés et contiennent des erreurs nombreuses. Pourtant, la somme totale de ce que l’on peut étudier constitue une impressionnante masse d’idées, pleine d’une corrélation de riches symétries qui semblent former un système élégant, intérieurement cohérent.
Notre prochaine étape sera l’examen des preuves fournies par l’astrologie en exercice.
Il est impossible d’enquêter sur les traditions elles-mêmes ; la plupart d’entre elles sont suprêmement illogiques et semblent n’avoir aucun fondement dans aucune espèce de système dialectique ; en outre, leurs origines sont obscurcies dans le mythe et les anciens savoirs, et ne sont pas accessibles à l’examen scrupuleux. Nous pouvons cependant vérifier les effets de ces traditions et leur exactitude dans l’interprétation. La preuve du conglomérat astrologique se trouve dans l’aptitude des astrologues à faire face à l’épreuve des consommateurs. Le test le plus rigoureux et le plus scientifique, à ce jour, a été réalisé en 1959 par un psychologue américain, Vernon Clark.
Le premier test dé Clark fut d’étudier la prétention de l’astrologue à être en mesure de prédire les talents et les capacités futurs directement à partir d’une carte de naissance. Clark réunit les horoscopes de dix personnes qui avaient travaillé un certain temps dans une profession clairement définie. Elles comprenaient un musicien, un bibliothécaire, un vétérinaire, un critique d’art, une prostituée, un comptable, un erpétologiste, un professeur d’art, un marionnettiste et un pédiatre. La moitié était des hommes et l’autre moitié des femmes ; tous étaient nés aux États-Unis et tous avaient entre quarante-cinq et soixante ans. Ces horoscopes furent communiqués à vingt astrologues, en même temps qu’une liste séparée des professions, et ils furent priés de rétablir la correspondance. Les mêmes renseignements furent donnés à un autre groupe de vingt personnes – psychologues et assistants sociaux – qui ne connaissaient rien à l’astrologie. Les résultats se révélèrent concluants. Le groupe témoin ne rendit que des résultats de hasard : mais dix-sept astrologues sur les vingt réussirent beaucoup mieux, avec des résultats de cent pour un contre le hasard. Cela montre que les caractères humains semblent effectivement influencés par des dispositions cosmiques et qu’un astrologue peut distinguer la nature de l’influence grâce au simple examen de l’horoscope, lequel est une image traditionnelle, ritualisée, de la disposition cosmique.
De là, Clark passa à la vérification de la faculté de l’astrologue, non seulement à distinguer entre les dispositions, mais à prédire l’effet de telle disposition. Aux mêmes astrologues, Clark donna dix paires d’horoscopes ; attachée à chaque paire était une liste de dates indiquant d’importants événements tels que mariage, enfants, nouvelles situations professionnelles et mort, survenus dans la vie de la personne qui correspondait à l’une des deux cartes. Les astrologues devaient décider quel horoscope prédisait ces événements. Le test était rendu plus malaisé par le fait que les deux cartes de chaque paire appartenaient à des gens du même sexe, habitant la même région et nés la même année. Trois des astrologues reconstituèrent exactement toutes les dix paires, et le reste de nouveau fit mieux que cent pour un contre le hasard. Cela montre qu’un astrologue peut dire, d’après les seules indications de naissance, si un accident où un mariage appartient à un horoscope déterminé. Ce qui signifie que l’astrologue aurait pu, en théorie, prédire ces événements avant qu’ils ne se produisent.
N’étant pas encore satisfait, Clark combina une troisième expérience. Il estimait que les astrologues avaient peut-être eu trop d’indices sur lesquels travailler ; aussi leur donna-t-il dix nouvelles paires d’indications de naissance, sans histoire de cas, sans dates d’événements importants, sans renseignements personnels d’aucune espèce, sinon qu’un membre de chaque paire était victime de paralysie cérébrale. Cette fois encore, les astrologues tombèrent juste dans une proportion très supérieure à celle qu’on pouvait attribuer au hasard. Conclusion de Clark : « Les astrologues, opérant sur un matériel qui ne peut provenir que des seules indications de naissance, peuvent réussir à distinguer entre individus. » En somme ces tests, où l’astrologue travaille « en aveugle », sans voir ses sujets, évoquent le médecin qui diagnostique une maladie sans voir son malade. À mes yeux d’homme de science, ils apportent une preuve impressionnante à l’opinion que la tradition astrologique n’est pas un simple méli-mélo de superstitions dépourvues de sens, mais constitue un véritable instrument que l’on peut employer pour extraire, d’une simple carte céleste, plus d’informations que par aucun autre outil dont nous disposions.
Ces résultats, joints à ceux de Nelson et de Gauquelin, impliquent très fortement que les événements cosmiques affectent les conditions sur la Terre, que des événements différents affectent ces conditions de façons différentes, et que la nature de ces effets peut être déterminée et peut-être même prédite.
Un domaine de prédiction où sont bien souvent consultés les astrologues, c’est : « Ça sera-t-il un garçon ou une fille ? » Ils remportent un certain succès dans leurs prévisions, ce qui n’est guère étonnant étant donné le nombre limité des possibilités ; mais la Tchécoslovaquie filtre la nouvelle d’une technique neuve qui laisse prévoir des réponses exactes dans beaucoup plus que 50 % des cas.
Eugen Jonas est ce psychiatre tchèque que son intérêt pour les rythmes lunaires a conduit à la découverte d’une méthode naturelle, couronnée de succès, dans le contrôle des naissances. À la suite de ce travail, Jonas est tombé sur une nouvelle corrélation lunaire qui permet de prédire avec une grande exactitude le sexe d’un enfant. La méthode est fondée sur la position de la Lune dans le ciel au moment de la conception. Dans l’astrologie classique, chacune des zones du zodiaque a une polarité, ou un sexe : le Bélier est mâle, le Taureau femelle, et ainsi de suite. Jonas a découvert que les rapports menant à la conception en un moment où la Lune était dans une zone stellaire « mâle » produisaient un enfant mâle. Dans une clinique de Bratislava, il fit des calculs appropriés pour huit mille femmes qui voulaient avoir des garçons, et 95 % d’entre elles y parvinrent. Mis à l’épreuve par un comité de gynécologues qui ne lui indiquèrent que le moment des rapports, Jonas fut capable de déterminer le sexe de l’enfant avec 98 % d’exactitude.
Les travaux actuellement en cours sur l’insémination artificielle montrent qu’il est possible de séparer les spermatozoïdes mâles et femelles en faisant passer un faible courant électrique à travers un échantillon de semence. Nous savons que la Lune produit des modifications régulières dans le champ magnétique de la Terre et que la vie est sensible à ces modifications. À partir de telles prémisses, une étape simple et logique mène à l’hypothèse qu’un genre similaire de tri pourrait se produire au sein de la semence d’un organisme vivant. L’effet des champs de l’environnement sur le sperme serait augmenté par le fait que la semence est fabriquée et emmagasinée à l’extérieur du corps de la plupart des mammifères. La découverte de Jonas nous apprend sur ce processus deux choses importantes. L’une, c’est qu’il semble être gouverné par un rythme cosmique régulier de deux heures, un des plus brefs encore découverts ; et la seconde, que ce rythme est exactement tel que prédit dans l’astrologie traditionnelle.
Nous restons sur une image de l’astrologie bien éloignée de celle que nous donnent les colonnes astrologiques des journaux où l’on nous offre de faciles conseils sur la seule base du signe solaire. Dans l’esprit de beaucoup de gens, le zodiaque et l’astrologie sont synonymes ; cependant, la Vierge et ses compagnons ne forment qu’une partie d’un complexe bien plus vaste et bien plus raffiné. De fait, ce complexe a tant de cohérence qu’il est malaisé de comprendre comment il a pu se former. En ce qui concerne le passé de l’astrologie, il est admis que c’est aux Babyloniens (ou Chaldéens) qu’elle doit le plus ; ces peuplades, étant nomades dans un climat que permettait une vision sans obstacle du ciel, avaient volontiers accepté l’idée qu’une énergie divine se manifeste dans le mouvement des corps célestes. L’histoire traditionnelle raconte comment ce concept s’élargit progressivement par l’inclusion des présages et des prodiges, jusqu’à ce que les planètes devinssent associées à chaque aspect de la vie. Ensuite, ce rituel fut transmis aux Grecs, aux Romains et aux Arabes, qui le raffinèrent jusqu’à ce qu’il atteignît sa pleine floraison à l’époque médiévale. John West et Jan Toonder rejettent cette explication et suggèrent, dans un minutieux survol historique et critique intitulé Le Dossier de l’astrologie, qu’elle doit bien davantage aux Égyptiens, lesquels à leur tour avaient rassemblé les éléments d’« une ancienne doctrine qui, à une certaine époque, fondit l’art, la religion, la philosophie et la science en un tout intérieurement cohérent ».
Il est possible que les racines de l’astrologie remontent jusqu’à la dernière époque glaciaire : on a récemment découvert qu’un os vieux de plus de trente mille ans était marqué d’une façon qui suggère la périodicité lunaire. Toutefois, une connaissance des trajets et des périodes planétaires ne peut être décelée avant la construction de la première pyramide, vers 2870 av. J.-C. Cinq mille ans ne représentent que deux cents générations et l’on a peine à croire que cela constitue un temps suffisant pour édifier un système dont la plus simple affirmation ne saurait être vérifiée qu’une génération plus tard. Certains des événements les plus inhabituels ont lieu si rarement – Uranus et Neptune ne se sont trouvées en conjonction que vingt-neuf fois dans l’histoire connue – que ce type de développement par la méthode des essais et des erreurs se montre inconcevable. L’image de l’astrologie se développant lentement au fil des années, à mesure qu’on découvrait de loin en loin, pour y ajouter, de nouvelles bribes de connaissance, se révèle aussi peu vraisemblable. Essayer de décider quelle disposition cosmique produit tel effet particulier, c’est comme essayer de découvrir quel gène particulier, sur les milliers d’un chromosome, commande la couleur d’yeux d’un individu. La Fédération américaine des astrologues a treize cents membres et la Société américaine des généticiens deux fois ce nombre ; aussi peut-on honnêtement comparer leurs efforts pour donner une idée de l’étendue du problème. Dans la recherche génétique, l’outil majeur est la drosophile ; une génération de ces mouches dure deux semaines ; deux cents générations dureraient huit ans ; les travaux sur cette mouche ont débuté en 1909, mais il a fallu plus de cinquante ans pour composer une image complète d’un seul chromosome. Si nous admettons que les problèmes sont en gros comparables, cela représenterait une durée de quatorze cents générations humaines, soit trente-cinq mille ans de recherches intensives, pour édifier l’image astrologique. En réalité, le propos de l’astrologie traditionnelle est tellement plus complexe que nous sommes amenés à la conclusion qu’elle doit avoir une autre origine.
Il semble évident que l’astrologie ne constitue pas le résultat de quelque soudaine intuition du type « Eurêka ! » ; elle n’a jamais jailli tout armée de l’esprit de quiconque. Si donc elle ne naquit d’aucune de ces manières, il n’existe qu’une autre possibilité : qu’elle a évolué comme un organisme vivant, à partir de la substance même dont elle était faite.
Dans les régions de brousse entourant Darwin, au nord de l’Australie, vit un termite qui bâtit un nid de forme étrange. Beaucoup de termites cimentent ensemble de fins grains de sable au moyen de salive et les assemblent en monticules énormes, durs comme du roc ; mais cette espèce construit des dalles de trois mètres carrés, n’ayant que quelques centimètres d’épaisseur, répandues dans l’intérieur des terres à la façon d’énormes pierres tombales. Le fait que chacune d’elles, sans exception, ait son axe longitudinal exactement orienté suivant une ligne nord-sud a valu à l’insecte son nom d’Omitermes meridionalis, le termite boussole. Chaque termitière est comme un iceberg, la majeure partie de sa structure au-dessous de la surface du sol et la partie située au-dessus est criblée de cheminées d’aération qui constituent l’installation de conditionnement d’air pour la forteresse entière. Des milliers d’ouvrières montent et descendent à toute vitesse ces manches à air, les ouvrant et les fermant comme des soupapes, afin de garder constante, tout au long du jour, la température des chambres de larves qui sont les plus profondes. Dans la fraîcheur du petit matin, il est nécessaire d’emmagasiner le plus de chaleur possible, aussi le côté large de l’éminence fait-il directement face au Soleil levant. À midi, il y a intérêt à perdre de la chaleur, aussi le monticule n’expose-t-il que son tranchant de couteau au Soleil, maintenant droit au zénith. La moindre des ouvrières termites a une connaissance innée des mouvements du Soleil qui l’amène à construire son petit bout du monticule en sorte que le tout se relie au cosmos d’une manière qui exprime les besoins de la société. La termitière se trouve littéralement façonnée par les forces cosmiques.
Je crois que l’astrologie est née ainsi : une conscience des forces cosmiques prédisposait l’homme à certaines idées et formes, et bien que chaque astrologue ayant apporté sa contribution ne pût distinguer que son petit fragment de la structure, la synthèse finale revêtit une forme naturelle et pertinente.
Je sais bien que cela paraît du mysticisme, mais ma croyance repose sur de bonnes raisons scientifiques. Tandis que la chimie découvrait que toute vie était construite à partir d’un tout petit nombre de substances de base, la physique étudiait ces substances elles-mêmes, et constatait que les particules fondamentales de la matière se comportent toutes de la même façon : elles ont toutes un mouvement ondulatoire. Nous savons que l’information, qu’elle soit un signal sonore ou une impulsion électromagnétique telle que la lumière, se propage en ondes ; aujourd’hui, le nouveau domaine de la mécanique des quanta nous montre qu’il existe de même des ondes matérielles, et qu’un organisme en train de recevoir une information est lui-même tout vibrant de mouvements ondulatoires. Si deux ondes de fréquences différentes se superposent, il existera des points, le long de leur itinéraire, où les deux se toucheront, où leur apogée concordera, où elles interféreront l’une avec l’autre. Cette interférence est nommée un battement, et un certain nombre de battements en succession régulière produisent un rythme. Tout, dans le cosmos, danse sur ces rythmes.
John Addey, un philosophe anglais, a découvert des rythmes de cette sorte concernant les dates des naissances humaines. Il a tenté de déterminer s’il était vrai que les gens nés sous le signe solaire du Capricorne vivaient plus longtemps que les autres, en réunissant, d’après le Who’s Who, les dates de naissance de 970 nonagénaires. Il n’y en avait, bien sûr, pas plus de Capricorne que d’aucun autre signe, aussi Addey chercha-t-il à voir ensuite, en recueillant des données sur de jeunes victimes de la poliomyélite, s’il était vrai que les Poissons avaient la vie brève. Une fois encore, il n’y avait aucune connexion. Mais lorsque Addey examina plus attentivement les résultats des deux expériences, il découvrit un motif ondulatoire qui courait à travers l’année, Il s’agissait d’un motif régulier, ayant 120 apogées par an – il vibrait dans la 120e harmonique. Un horoscope est construit autour du cercle d’écliptique de 360 degrés ; donc, si l’on y applique le motif ondulatoire, celui-ci culmine une fois tous les 3 degrés. Addey reprit son matériel de recherches et constata qu’un enfant né tous les trois degrés avait 37 % de risques de plus de contracter la poliomyélite qu’un enfant né à d’autres moments.
Addey poursuivit en appliquant l’analyse ondulatoire à d’autres séries de données, et trouva que les dates de naissance de 2 593 ecclésiastiques correspondaient à la 7e harmonique, et que 7 302 docteurs s’inséraient dans la 5e harmonique. C’est probablement la plus importante de toutes les découvertes récentes qui donnent à la vieille astrologie et à la nouvelle science un lieu de rencontre en terrain commun. Cela démontre tout à fait clairement que les données astrologiques sont susceptibles d’études statistiques, et que, traitées de la sorte, elles fournissent des résultats en accord direct avec notre connaissance des lois fondamentales de la matière. Le cosmos est un frénétique chaos de motifs ondulatoires, dont certains ont été orchestrés sur Terre en un système organisé de vie. L’harmonie entre les deux ne peut être comprise qu’au moyen d’une partition, et de toutes les possibilités qui nous sont actuellement ouvertes, l’astrologie (en dépit de toute la bizarrerie de ses origines, et parfois de la bizarrerie plus grande encore de ses thuriféraires) semble proposer la meilleure interprétation.
Je parviens à cette conclusion en empruntant deux directions : dans l’un de mes itinéraires, je voyage en qualité d’homme de science, cherchant ma route avec scrupule et logique, guidé par la carte de la connaissance officielle, et j’arrive convaincu que l’astrologie, si elle n’a pas été prouvée, n’a du moins pas été réfutée. On a assez d’indices positifs solidement fondés et susceptibles à la fois d’examen et de répétition que l’astrologie renferme une part de vérité pour justifier qu’on la prenne au sérieux et la mène plus avant. Sur l’autre route, je voyage en tant qu’individu possédant une formation scientifique, mais toujours prêt à faire halte pour examiner à peu près tout ce qui sort de l’ordinaire. C’est ainsi que je tombe sur l’astrologie et vis en sa compagnie assez longtemps pour m’assurer qu’il y a quelque chose là-dedans. Certes, il y a des contradictions et des affirmations vagues, ambiguës – l’astrologie est particulièrement faible et vulnérable à la critique dans le domaine de la prédiction ; je reste néanmoins sur le sentiment de justesse, le sentiment que même si les buts sont parfois contestables et le raisonnement souvent faible, l’astrologie a trouvé une formule qui, fondamentalement, a un sens.
Je ne crois pas que les émanations de la planète Mars donnent à un homme « de la décision, l’amour de la liberté et une âme de pionnier ». Il s’agit là d’une absurdité simpliste. Mais ce que je crois, c’est qu’il y a de complexes dispositions de forces cosmiques pouvant prédisposer un individu à se développer dans ces directions. Il se peut que les astrologues aient raison lorsqu’ils affirment que ces conditions prévalent quand Mars apparaît au-dessus de l’horizon ; pourtant, même si la chose est vraie, la planète ne représente qu’un symptôme de la complexité générale. C’est comme la trotteuse d’une montre, qui fournit une indication visible de l’heure précise, mais dépend totalement de tous les ressorts et rouages cachés qui, en fait, fixent l’allure. Je désapprouve aussi la notion que la naissance constitue le moment crucial. Il paraît beaucoup plus raisonnable de croire que les forces cosmiques agissent à tout instant sur toute chose, et que le moment de la naissance est dans le même rapport avec le reste de la vie que la position momentanée de Mars avec le reste du cosmos. Nous savons que le moment de la naissance est lié à des cycles lunaires, à des rythmes solaires ainsi qu’à une tendance héréditaire à réagir à ces mécanismes d’une certaine manière. Il semble vraisemblable que la naissance, les stades primitifs du développement fœtal, la fécondation et même l’acte sexuel sont reliés entre eux de la même façon, formant un tout continu où aucun moment n’est intrinsèquement plus important qu’un autre.
Il y a du mysticisme dans l’astrologie, mais rien de surnaturel dans sa manière d’opérer. L’homme est influencé par son environnement et des forces physiques clairement définies, et son existence, comme celle de tous les autres êtres vivants, s’organise suivant des lois naturelles et universelles. Croire autre chose serait aussi ridicule que de prétendre que l’Encyclopédie britannique a été procréée par une explosion dans une imprimerie !